Les résidents de la région de Montréal savent que le prix de l’essence aime jouer au yoyo dans la région. J’ai décidé d’analyser cette forte volatilité des prix. Plus particulièrement, je me suis demandé si en analysant l’historique des prix il est possible de prévoir quand les prix seront plus bas pour économiser.
Pour les impatients, la réponse est : oui! Lors de l’année se terminant le 25 mai 2018, les hausses soudaines de prix n’ont pas eu lieu à des moments purement aléatoires. Si vous aviez fait le plein de votre automobile uniquement les lundis durant cette période, vous auriez pu économiser jusqu’à 3% sur votre facture d’essence.
Données historiques
Le site web GasBuddy est une véritable mine d’or d’information sur les prix historiques de l’essence en Amérique du Nord. On peut entres autres obtenir un graphique du prix quotidien moyen de l’essence ordinaire dans la région de Montréal durant la dernière année, c’est-à-dire du 25 mai 2017 au 25 mai 2018, tel que présenté à la figure 1.
Cette figure permet de visualiser l’évolution du prix, mais pour faire une analyse détaillée, il nous faut un prix quotidien, pas des pixels dans une image. Donc, les prix quotidiens sont extraits de la courbe de la figure 1 à l’aide d’un programme écrit en Python. Si on visualise les prix obtenus, on obtient la figure 2.
La courbe bleue représente le prix quotidien moyen extrait de la figure 1. On remarque que la forme générale de la courbe est très similaire à celle de la figure 1, comme prévu. Les maximums locaux ont été mis en évidence avec des points rouges et les minimums locaux avec des points noirs. Une attention particulière a été portée à s’assurer que les sommets (minimums et maximums) sont positionnés à la bonne date, puisqu’une partie importante de l’analyse à venir repose sur le moment de la semaine où une hausse de prix survient. Cependant, il est possible que certains sommets soient décalés de +/- 1 jour puisque la résolution de la figure 1 est d’environ 1.5 pixels/jour et que l’épaisseur du trait de la courbe est d’environ 2 pixels.
Analyse
La période de temps entre deux maximum locaux (points rouges) dans la figure 2 semble très constante. On remarque tout d’abord qu’il y en a 52 durant l’année. Donc, on peut s’attendre à ce que la période moyenne entre deux sommets soit d’environ 7 jours. Pour vérifier, on calcule le spectre de période du signal, qui est équivalent au spectre de fréquence, mais inversée. Le spectre de période est présenté à la figure 3.
On remarque qu’il y a effectivement une forte composante avec une période de 7 jours dans le signal. Par la suite, on calcule la distribution de la période entre deux hausses de prix, tel que présenté à la figure 4.
Encore une fois, on observe que le mode de la distribution est de 7 jours. Cependant, il y a également plusieurs périodes entre deux hausses de prix qui sont de 6 ou 8 jours. Donc, on ne peut pas simplement supposer que le meilleur moment pour faire le plein est 6 jours après une hausse.
Analysons à présent l’évolution quotidienne du prix après une hausse. On visualise tout d’abord l’évolution de la différence de prix quotidienne par rapport au prix au moment de la hausse sur une période de 14 jours. Chaque courbe de la figure 5 représente la différence de prix après une hausse donnée durant l’année. Toutes les hausses qui se sont produites au moins 14 jours avant le 25 mai 2018 sont représentées.
On remarque que la majorité des courbes diminuent pendant les six premiers jours, puis augmentent le septième. On voit également que l’évolution du prix suit un modèle récurrent : une hausse d’une journée, suivie d’une baisse graduelle du prix jusqu’à la prochaine hausse instantanée d’une journée.
En calculant la moyenne de la différence pour chaque jour après une hausse, on obtient la courbe noire de la figure 6. La surface rouge représente 2 écarts-types autour de la moyenne.
La différence moyenne minimale est atteinte cinq jours après la hausse. Si on attend le sixième jour, il y a davantage de risque qu’une nouvelle hausse survienne et que le prix soit plus élevé que la hausse précédente.
Impact du jour de la semaine
Jusqu’à présent, nous avons analysé la fréquence des hausses de prix et l’évolution du prix après une hausse. Or, il est plutôt surprenant que la période moyenne entre deux hausses soit exactement de 7 jours, la durée d’une semaine. Il est donc possible que le moment des hausses de prix ne soit pas aléatoire durant une semaine, mais lié au jour de la semaine. Pour vérifier si c’est le cas, on calcule tout d’abord la distribution des sommets locaux (minimum et maximum) en fonction du jour de la semaine. La distribution des minimums est affichée en vert et celle des maximums en rouge dans la figure 7.
La distribution des sommets démontre qu’il y a effectivement une corrélation entre le jour de la semaine et le moment d’une hausse de prix. Si le moment de la hausse de prix avait été indépendant du jour de la semaine, la distribution des maximums tendrait vers une distribution uniforme. Or, la journée la plus probable pour une hausse est le mardi et aucune hausse n’a eu lieu entre samedi et lundi durant une année entière.
Cela veut dire qu’il y a probablement une journée dans la semaine où le prix a tendance à être moins élevé que les autres. Pour vérifier si c’est le cas, on calcule le prix moyen durant l’année pour chaque jour de la semaine. On obtient les valeurs présentées à la figure 8.
Le prix moyen pour l’année est de 123.5 ¢/L et est représenté par la ligne rouge dans la figure. On remarque qu’il y a effectivement une variation du prix moyen en fonction du jour de la semaine. Pour mieux visualiser cette différence, la figure 9 présente l’écart de prix entre le prix moyen par jour de la semaine et le prix moyen annuel.
Donc, en effectuant toujours le plein le lundi plutôt que de le faire aléatoirement durant la semaine durant l’année se terminant le 25 mai 2018, il était possible d’économiser 3.7¢/L, soit une réduction de 3% par rapport au prix moyen annuel. Cette réduction serait encore plus élevée pour quelqu’un de malchanceux qui achète de l’essence uniquement entre le mardi et le vendredi.
Conclusion
Nous avons analysé l’évolution du prix moyen quotidien de l’essence dans la région de Montréal pour l’année se terminant le 25 mai 2018. Nous avons découvert qu’une hausse soudaine du prix se produit en moyenne tous les sept jours. De plus, ces hausses ne se produisent pas de façon aléatoire durant la semaine. Le plus fréquemment, elles ont lieu le mardi et elles ont toutes eu lieu entre le mardi et le vendredi. Ainsi, il était avantageux de faire le plein entre le samedi et le lundi durant cette période. Il était possible d’économiser jusqu’à 3% sur sa facture d’essence dans la région de Montréal en achetant son essence uniquement le lundi.
Cette analyse est valide uniquement pour l’année étudiée et il est impossible de prévoir l’avenir. Cependant, ce phénomène de hausse instantanée quasi hebdomadaire se produit depuis longtemps dans la région de Montréal et il est peu probable qu’il disparaisse du jour au lendemain. Personnellement, je vais commencer à faire plus attention en essayant de faire le plein le dimanche ou le lundi lorsque possible.
Évidemment, cette différence de 3% n’est pas énorme. La réduction possible des dépenses d’essence est probablement plus élevée en améliorant sa façon de conduire et en utilisant une voiture plus efficace, plutôt que d’essayer de choisir le meilleur jour pour faire le plein. Cependant, c’est un 3% facile à obtenir.
Cette analyse a révélé qu’il existe une corrélation entre le prix de l’essence et le jour de la semaine, mais n’explique pas pourquoi. Malheureusement je n’ai pas de connaissances dans le domaine de la production et de la mise en marché de l’essence, donc je n’essaierai pas de l’expliquer. Malgré tout, je trouve cette corrélation fort étrange. Tout d’abord, cette variation hebdomadaire ne semble pas exister dans les autres marchés que j’ai étudiés rapidement sur GasBuddy (ville de Québec, Ottawa, Toronto, NYC, Los Angeles). Également, dans un marché normal/libre, cette corrélation devrait tendre à disparaître. Imaginez que ce soit le prix d’une action en bourse qui suive la même courbe que celle du prix de l’essence à Montréal. Un observateur qui remarque la corrélation achèterait le titre le lundi pour le revendre au moment de la hausse entre mardi et vendredi chaque semaine pour faire un profit sur chaque transaction. Bref, c’est étrange.
Le code source du programme Python utilisé pour analyser les données et générer les figures est disponible sur GitHub.